COURS DE PEDAGOGIE THÉORIQUE ET PRATiQUE Gabriel Compayré


L’ÉTUDE DE LA LANGUE MATERNELLE 
Importance de l’étude de la langue française. -Difficultés de cet enseigneme nt. - Le but. - Les principes. - Anciennesméthodes. - Réforme tentée. - Progrès réalisés. - Divers éléments d’un cours de langue. - Nécessité de l’enseignement grammatical. - Vraie méthode grammaticale. - Le livre de grammaire. - Qualités d’une bonne grammaire. -Grammaire historique. - Enseignement de l’orthographe. - Dictées. - Analyse logique et analyse grammaticale. - Ordre à suivre. - Exercices d’invention et de composition. - Rédactions sur images. - Exercices d’élocution. - Exerciceslittéraires. Importance de l’étude de la langue française.


- Est-il bien nécessaire d’insister aujourd’hui sur l’importance capitale de l’étude du français à l’école primaire ? Tout le monde est d’accord pour lui attribuer le premier rang. « Elle forme, dit M. Bréal, le commencement et le centre des études, elle est pour les élèves le principal instrument de progrès.» L’étude de la langue française vaut d’abord par elle-même. Qui pourrait en contester l’utilité pratique immédiate ? On ne devient véritablement un homme que par le pouvoir d’exprimer sa pensée avec correction et netteté. On n’est un citoyen qu’à la condition de parler la langue nationale, la langue de ses concitoyens. La connaissance de la langue est d’ailleurs la clef de toutes les autres connaissances. La langue usuelle nous met en communication avec nos semblables et satisfait aux besoins de la vie. La langue littéraire nous ouvre les trésors de la pensée humaine, et la technologie ceux de la science bien faite. Mais l’étude de la langue vaut aussi par son influence sur l’éducation intellectuelle. Savoir sa langue, c’est savoir penser. La richesse du vocabulaire dont vous disposez correspond à l’abondance des idées que vous possédez : autant de mots nouveaux ajoutés à ceux que vous connaissez déjà, autant de conquêtes de votre esprit sur l’inconnu. D’autre part, la propriété de l’expression équivaut à la précision de la pensée. Enfin la correction grammaticale que vous savez mettre dans la construction de vos phrases est en relation directe avec la logique qui règle vos jugements et vos raisonnements. Apprendre la langue maternelle, ce n’est donc pas seulement acquérir le matériel des mots, c’est, par le maniement du langage, développer et former la pensée, dont le langage n’est que l’instrument.


Difficultés de cet enseignement
. - Pour les enfants de condition aisée, dont les parents parlent purement le français, l’étude de la langue offre des facilités particulières. Pour eux et pour eux seuls, la langue française est la langue maternelle : ils l’ont apprise sans effort et par l’usage sur les genoux de leur mère. Mais pour combien d’enfants de la campagne n’en est-il pas ainsi1 ! Dans leur famille ils n’ont entendu parler autour d’eux qu’un français incorrect, ou même des patois provinciaux. Pour eux, la langue nationale est vraiment une langue étrangère, qu’il leur faut étudier péniblement sur les bancs de l’école. D’ailleurs, même aux enfants qui ont toujours été nourris de bon français, l’apprentissage instinctif de la langue ne saurait suffire. Il leur reste toujours pour le moins à étendre leur vocabulaire, nécessairement restreint, à se rendre compte du sens des mots qu’ils ont vaguement retenus et qu’ils n'entendent que confusément, à apprendre l’orthographe, enfin à réfléchir sur les règles de la grammaire, sans lesquelles la correction de leur style ou de leur langage serait toujours mal assurée. C’est la nature qui délie la langue de l’enfant et qui, avec l’aide des parents, lui apprend à parler ; mais c’est l’étude seule qui, avec l’aide des maîtres, lui apprend à bien parler. 1 Les patois sont encore fort en usage ; il ne faudrait pourtant pas aller jusqu’à dire avec M. Brachet : Dans la région du Midi les gens cultivés comprennent et écrivent le français, mais emploient plus volontiers entre eut le patois même dans les grandes villes. (Nouvelle Grammaire française, p. 5.)


Le but.
– L’étude de la langue est demeurée longtemps, dans nos écoles, synonyme de l’étude de la grammaire. On croyait avoir tout fait quand on avait enseigné la distinction des dix parties du discours, la conjugaison, la syntaxe. Nous nous faisons aujourd’hui une tout autre idée de l’enseignement du français, de son étendue et de sa portée. Cet enseignement comprend trois choses essentielles, et toutes trois d’un prix inestimable. Il s’agit : 1° de comprendre la langue française, 2° de savoir la parler, 3° de savoir l’écrire. Le moins qu’on puisse demander, c’est que les élèves de nos écoles comprennent leur langue. Il n’est pas question assurément de leur enseigner les vingt mille mots dont se compose le français et de faire de leur esprit un dictionnaire vivant. Ce qu’il faut, c’est qu’ils connaissent, avec le plus d’exactitude possible, les quelques centaines d’expressions qui constituent le fond de la langue. La possession d’un vocabulaire net et précis est la préparation nécessaire à la lecture des bons auteurs. Trop d’enfants sortis de nos écoles ne prennent jamais goût aux lectures personnelles, en partie parce qu’ils rencontrent dans les livres trop de mots dont ils ne comprennent pas le sens. Un autre but essentiel de l’étude de la langue est d’apprendre à la parler. Les occasions d’écrire sont rares pour les enfants du peuple ; les occasions de parler sont de tous les jours et de tous les instants. Qui donc n’a pas besoin, quelle que soit l'humilité de sa condition, de s’exprimer avec facilité, avec correction, sinon avec élégance ? II ne s’agit pas sans doute de faire des bavards ni des discoureurs, mais il faut mettre le futur citoyen en état de communiquer sa pensée, de converser avec ses semblables, de traiter lui-même ses affaires et de discuter ses intérêts. Enfin on ne négligera pas la parole écrite, bien qu’elle ait moins d’importance que la parole proprement dite. Pour être les plus nouveaux, les plus récemment introduits dans nos écoles, les exercices de composition et de rédaction ne sont ni les moins intéressants ni les moins utiles. L’enseignement du français serait une dérision, s’il se contentait de faire apprendre les règles de la grammaire, d’inculquer laborieusement la science de l’orthographe à des enfants qui ne seraient jamais appelés à appliquer ces règles, à se servir de cette science dans des écrits personnels. La grammaire, l’orthographe, sont choses excellentes, mais à une condition pourtant, c’est qu’on en use ; c’est qu’elles ne soient pas pour les enfants comme des armes aux mains de soldats qui en ignoreraient le maniement.


Les principes.
- Ainsi compris, l’enseignement de la langue est une étude vivante et pratique qui déborde de tous les côtés du vieux cadre étroit des récitations grammaticales et des dictées orthographiques. Pour atteindre son véritable but, cet enseignement se conformera à la méthode naturelle, qui va de l’exemple à la règle, de l’expérience à la loi, de l’usage familier, de l’exercice concret au précepte général et abstrait. Il faut apprendre la grammaire par la langue, non la langue par la grammaire, disait Herder, et M. H. Spencer déclare dans le même sens que « la grammaire, ayant été faite après la langue, doit être enseignée après elle. » « Depuis longtemps, disait aussi le P. Girard, la saine didactique nous crie : Peu de règles, beaucoup d’exercices. » L’enfant arrive à l’école n’ayant presque aucun usage de la langue maternelle. Qu’on supplée à ce qui lui manque par des lectures graduées dans des auteurs faciles. Qu’à défaut des conversations qu’il n’a pas entendues, le livre l’enveloppe pour ainsi dire de ses mots précis, de ses constructions correctes, d’une atmosphère de français pur et net. Qu’on l’exerce lui-même à parler, à construire des phrases, oralement d’abord, plus tard par écrit. Que le maître donne l’exemple d’une prononciation exacte, d’un langage régulier. Que le tableau noir présente à l’élève des modèles de propositions simples ; et l’enfant, familiarisé peu à peu avec les expressions et les tournures de sa langue, sera mûr pour les études didactiques qui, sans cette préparation, l’auraient infailliblement rebuté et fatigué sans profit.


Anciennes méthodes.
- Sachons donc rompre avec les anciennes méthodes qui réduisaient l’étude de la langue à la grammaire, dont on présentait les règles « comme les articles indiscutables d’un code pénal, qu’il fallait appliquer sans les raisonner ni les comprendre ». Sans remonter bien haut dans le passé, voici, au point de vue de l’enseignement grammatical, quelques résultats de l’enquête de 18612 : « A un enseignement mécanique il faut substituer un enseignement rationnel (Eure). - On apprend trop par cœur (Calvados). - Les élèves récitent, mais n’exercent point leur intelligence (Ardèche). - Le paysan sent que l’instruction est 2 Voyez le Manuel général de l’Instruction publique, t. III, n° 42, oct. 1860. mal dirigée, qu’elle n’est point assez pratique (Bas-Rhin). – L’enseignement est trop abstrait (Doubs). - Les méthodes étant défectueuses, les parents considèrent l’enseignement comme inutile (Pas-de-Calais).- Que l’enseignement devienne plus pratique (Somme). – L’enseignement est trop abstrait (Dordogne). – L’enseignement est trop obscur (Nord). – L’enseignement est trop théorique (Corrèze).


Réforme tentée.
- Cet enseignement mécanique et passif qui faisait appel à la mémoire de l’enfant, au détriment de son intelligence, est depuis longtemps jugé et condamné. Des circulaires ministérielles ont dénoncé le mal et proposé le remède. Rappelons celle de M. Fortoul (31 oct. 1853), de M. Rouland (27 août 1857), de M. Duruy (7 oct. 1866), de M. Jules Simon (8 oct. 1872). Nous en citerons quelques passages qui indiquent nettement la direction qu’il convient de donner à l’enseignement de la langue maternelle : « Dans le cours de français, beaucoup de maîtres abusent de la grammaire et croient avoir tout fait quand ils ont mis dans la mémoire de leurs élèves un grand nombre de règles, de distinctions et de mots techniques. Insistez pour que dans cette étude on évite les abstractions et les subtilités ; pour qu’on s’attache aux applications et aux exemples, surtout aux exemples que fournissent la lecture et l’explication des grands écrivains. C’est par là que la langue, avec ses principales règles, ses finesses et ses idiotismes, s’apprend bien mieux que dans la grammaire. » (Circulaire du 31 octobre 1854.) « Le vieil enseignement doit être remplacé par des leçons vivantes. Il faut réduire la grammaire à quelques définitions. simples et courtes, à quelques règles fondamentales qu’on éclaire par des exemples ; il faut aussi, à mesure que l’intelligence des enfants se développe, les mettre en présence des plus beaux morceaux de notre littérature, leur y faire reconnaître d’abord le sens et jusqu’aux nuances des mots, la suite et l’enchaînement des idées, plus tard les inversions, même les hardiesses du génie, et compter dans cet exercice encore plus sur cette logique et cette grammaire naturelle qu’ils portent en eux, que sur le vieux bagage d’abstractions et de formules dont on accable leur mémoire sans profit pour leur intelligence. Lhomond disait il y a près de cent ans : « La métaphysique ne convient point aux enfants, et le meilleur livre élémentaire, c'est la voix du maître, qui varie ses leçons et la manière de les présenter selon les besoins de ceux auxquels il parle.» (Circulaire du 7 octobre 1866.) « L’enseignement de la grammaire ne se bornera plus désormais à l’étude purement mécanique des règles, mais ces règles reviendront pour le professeur matière à explications. »


Progrès réalisés. 
- Les conseils que nous venons de rappeler ont été en partie entendus, et les rapports de l’inspection générale constatent partout des progrès réels dans l’enseignement de la langue : « L’étude de la langue est faite d’une façon plus rationnelle : la leçon de grammaire, moins longue, ne précède plus l’explication du maître et ne tient plus lieu de tout comme autrefois ; les longues séries d’analyses et de verbes écrits ont fait leur temps, même dans les écoles médiocres, et sont remplacées par des exercices de rédaction plus intéressants et plus profitables. Le grand souci des maîtres est d’arriver à obtenir une rédaction simple et claire. - Les longues dictées sont devenues plus rares. - Une place moins large est donnée aux leçons de grammaire apprises par cœur. - Les conjugaisons des verbes se font oralement. - Chaque règle de grammaire est l’objet de nombreuses applications. - Ou habitue les enfants à faire quelques narrations et quelques petites lettres. » D’autre part, M. Gréard signale les améliorations réalisées dans les écoles de Paris. « Nos méthodes sont en progrès. Aujourd’hui les exercices barbares de cacologie et de cacographie sont absolument proscrits des classes3 ; on s’attache aux recherches étymologiques, ainsi qu’à l’étude des familles de mots, et rien n’est plus propre à exercer chez les élèves l’esprit d’analyse, à enrichir leur vocabulaire, à ouvrir le champ à leur pensée, et à leur faciliter en même temps, sans grand appareil de science, l’application des règles fondamentales de l’orthographe usuelle. On ne définit plus guère les parties du discours qu’après avoir multiplié les exemples qui conduisent naturellement l’élève à trouver la définition, et c’est une amélioration excellente ; mais il faudrait l’appliquer à l’étude de la syntaxe comme aux éléments de la grammaire. Quel sens peut avoir pour l’enfant ce terme de proposition complétive, s’il n'a pas été exercé à compléter une pensée, et une pensée dont il ait la pleine intelligence, qui soit sienne on devienne sienne ? Le travail de l’analyse logique qui ne repose pas sur ce travail intérieur de l’esprit porte â vide ou à faux. »


Divers éléments d’un cours de langue. 
- Il y a quelques années encore, la grammaire, à elle seule, était le tout de l’enseignement de la langue ; elle en est assurément une partie essentielle, mais il s’en faut qu’elle en soit le seul élément. L’enseignement de la langue française, d’après le programme des écoles normales, comprend : 3 La cacologie était un recueil de locutions vicieuses, la cacographie un recueil de fautes d’orthographes, de textes fautifs, que l’on mettait entre les mains de l’élève pour qu’il le corrigeât. 1°Des exercices de lecture et de récitation ; 2° Un cours de grammaire avec des exercices pratiques, tels que dictées, analyses, exercices d’étymologie et de dérivation ; 3°Des exercices de composition et de style auxquels se rattachent des notions d’histoire littéraire. D’autre part, le programme des écoles primaires énumère, en dehors des leçons de grammaire propre-ment dite, une série d'exercices distincts : les exercices oraux, les exercices de mémoire, les exercices écrits (dictées, rédactions, etc.), les exercices d’analyse, et la lecture à haute voix par le maître. Enfin l’arrêté du 27 juillet 1882 dit expressément : « L’enseignement du français (exercices de lecture, lectures expliquées, leçons de grammaire, exercices orthographiques, dictées, analyses, récitations, exercices de composition, etc.) occupera tous les jours environ deux heures. » Ajoutons qu’en dehors des exercices spéciaux qui ont pour objet propre l’enseignement de la langue, tous les exercices de la classe peuvent concourir au même but, étendre et fixer le vocabulaire de l’élève, l’habituer à s’exprimer avec correction et propriété. Nécessité de la grammaire. - On n’a pas attendu le dix-neuvième siècle pour rêver la suppression absolue de la grammaire dans le cours de langue. Nicole, dans son livre de l’Éducation d’un prince, répondait en ces termes aux partisans de cette utopie : « La pensée de ceux qui ne veulent point du tout de grammaire n’est qu’une pensée de gens paresseux qui se veulent épargner la peine de la montrer, et bien loin de soulager les enfants, elle les charge infiniment, puisqu’elle leur ôte une lumière qui leur faciliterait l’intelligence des leçons, et qu’elle les oblige d’apprendre cent fois ce qu’il suffirait d’apprendre une seule fois. »4 Laissons de côté la question de paresse : car il serait tout aussi juste de dire que le système qui consiste à mettre un livre de grammaire entre les mains des élèves et à les laisser s’y débrouiller tout seuls est « une pensée de gens paresseux ». Mais Nicole a raison de soutenir que les règles grammaticales préparées par des explications, éclairées par des exemples, soulagent l’esprit de l’enfant et lui économisent un temps précieux. Autant l’intelligence est rebutée par des principes abstraits qu’on lui impose prématurément, autant elle est disposée à aller d’elle-même au-devant des règles générales qui résument son expérience et qui sortent naturellement des exemples dont elle est nourrie. Elle s’y repose avec plaisir, comme une armée victorieuse s’installe dans des forteresses où elle assure sa conquête et d’où elle domine les étapes parcourues. Quelque élémentaire que soit l’étude de la langue, elle comporte donc, selon nous, la connaissance des règles grammaticales, qui ne sont que le résumé de l’usage, le code d’une langue définitivement fixée. Le progrès pédagogique consiste ici, non à supprimer les règles, mais à les simplifier et à réformer la façon dont on les enseigne.


Vraie méthode grammaticale. 
- La vraie méthode grammaticale, d’après tout ce qui vient d’être dit, consiste donc à s’appuyer surtout sur l’usage de la langue et à faire sortir les règles des exemples que l’élève invente de lui-même, qu’il trouve dans les livres, ou que le maître lui suggère. C’était la méthode du P. Girard, qui donnait comme base à l’enseignement grammatical l’usage même de la langue que l’enfant apporte de la famille, usage complété et rectifié à l’école par les exercices qui lui ont appris à lire et à écrire. « Souvenons-nous, disait-il, que la multitude des exemples répétés et analysés est le meilleur code de la langue, puisqu'il ait passer dans une pratique raisonnée les règles que dans une autre méthode il aurait sèchement à prescrire. »5 Il est inutile de donner un nom à cette méthode qui est la méthode de la raison et du bon sens ; et nous ne pensons pas que l’on ait fait faire le moindre progrès à l’étude de la langue quand on aura dit, avec certains pédagogues, qu’elle doit « être enseignée d'une manière analytico-synthétique »6. 4 Nicole, De l’Education d’un prince. - M. Bain dit dans le même sens : « La grammaire abrège et simplifie le travail en généralisant tout ce qui peut être généralisé. » 5 M. Bain se trompe quand il affirme que la généralité des élèves ne peuvent étudier la grammaire avec fruit avant l’âge de dix ans. « La grammaire, ajoute-t-il, est plus difficile que l’arithmétique. » 6 Traité de méthodologie, par A.V., p. 240.


Le livre de grammaire.
- « S’il est possible, point de grammaire entre les mains des élèves » : ainsi s’exprime la circulaire ministérielle du 20 août 1857. Nous ne pensons pas qu’il convienne d’aller jusque-là, et de se priver du secours du livre dans un enseignement aussi capital que celui de la langue française. Un livre est nécessaire, au moins pour les élèves du cours moyen et du cours supérieur, un livre bien fait, dont l’instituteur use discrètement, avec intelligence. « Jusqu’à présent, dit M. Bréal, le livre était le personnage essentiel de la classe, et l’instituteur n’était que le commen- tateur du livre. C’est au contraire par la bouche du maître que les enfants doivent d’abord connaître les règles. Le livre sera consulté comme un memento. » Mais, quelque disposé que l’on soit à faire grande la part des explications orales, le livre est nécessaire. C’est l’avis de M. Bain qui donne de fortes raisons pour justifier son opinion : « Dans un livre on ne met que ce qu’il est bon de dire de vive voix, et si le maître peut s’exprimer plus clairement que le meilleur livre qui existe, il n’y a qu’à rédiger ce qu’il a dit et à en faire un livre nouveau. Quelque bonne que soit la méthode du maître, elle peut être imprimée pour servir d’exemple aux autres, ce qui produira des livres meilleurs, de sorte que la réforme qui propose de supprimer entièrement les livres aboutira simplement à produire un livre nouveau... On dira peut-être que les enfants ne sont pas d’âge à étudier dans un livre des règles qu’on peut parfaitement leur enseigner de vive voix. En cela il y a beaucoup de vrai, bien que ce ne soit pas une raison de supprimer entièrement le livre, dont les élèves pourront toujours se servir pour repasser l’enseignement du maître et pour se préparer aux interrogations sur ce sujet. Si l’enseignement d’une classe est exclusivement oral, ses progrès seront nécessairement très lents.


Qualités d’une bonne grammaire
. - Fénelon indiquait déjà avec précision les caractères d’un bon livre de grammaire : « Un savant grammairien, disait-il, court risque de composer une grammaire trop curieuse et trop remplie de préceptes. Il me semble qu’il faut se borner à une méthode courte et facile. Ne donnez d’abord que les règles les plus générales ; les exceptions viendront peu à peu. Le grand point est de mettre une personne le plus vite qu’on peut dans l’application sensible des règles par un fréquent usage ; ensuite cette personne prend plaisir à remarquer le détail des règles qu’elle a suivies d’abord sans y prendre garde. »8 Après trois cents ans, les critiques et les observations de Fénelon sont encore opportunes, et les pédagogues les plus autorisés de notre temps ne font que les répéter. « En général, dit M. Berger, les grammaires publiées pour les élèves sont trop détaillées, et elles ne sont pas encore affranchies du plan des grammaires latines... Nos grammairiens se complaisent trop à des classifications, â des distinctions qui ne reposent sur rien d’essentiel.. Nous croyons qu’il serait possible de beaucoup diminuer l’étendue de nos grammaires classiques, sans nuire à la solidité des connaissances en matière de langaage. La simplicité sera donc la première qualité d’une bonne grammaire. Et il faut que cette simplicité se manifeste par le petit nombre des règles. Trop de grammaires encore recommandent la simplicité pour la forme, sans s’y astreindre en fait ; il ne convient pas de distinguer les propositions subjectives, complétives-directes, complétives-indirectes, circonstancielles, attributives, etc.


Grammaire historique.
- On sait quelle révolution a été accomplie dans les études grammaticales par l’introduction de la méthode historique. « La grammaire traditionnelle, dit M. Michel Bréal, formulait ces prescriptions comme les décrets d’une volonté aussi impénétrable que souveraine ; la grammaire historique fait glisser dans ces ténèbres un rayon de bon sens... » Elle substitue les explications aux simples affirmations : elle rend compte de l’usage présent par l’usage ancien : « Quoi de plus naturel, dit M. Brachet, que de faire servir l’histoire de la langue à l’explication des règles grammaticales, en remontant depuis l’usage actuel jusqu’au moment où elles ont pris naissance ? Outre l’avantage d’être rationnelle, la mé- thode historique en possède un autre : la mémoire retient toujours plus nettement ce dont notre esprit s’est rendu compte, et l’élève se rappellera d’autant mieux les règles de la grammaire qu’elles auront un point d’appui dans son intelligence. C’est cette méthode que les Allemands, toujours attentifs à éveiller le jugement de l’enfant, emploient depuis longtemps dans leurs écoles pour l’enseignement de la langue nationale. »10 7 Science de l’éducation, p. 255. 8 Lettre sur les occupations de l’Académie française, II. 9 Article Grammaire de M. Berger, Dictionnaire de pédagogie, 1ère partie. 10 Brachet, Nouvelle Grammaire française, Préface. Voyez la grammaire de Ayer. Page 6 Il est évident que, malgré son intérêt, la grammaire historique ne peut être introduite sans difficulté à l’école primaire. D’abord la grammaire historique d’une langue dérivée, telle que la nôtre, remonte jusqu’aux origines, jusqu’aux langues d’où elle est issue, jusqu’au latin et au grec ; et le latin et le grec sont vraiment et doivent rester des langues mortes pour l’enseignement primaire11. D’autre part, les origines purement nationales de notre langue, les curiosités du vieux français, jetteraient elles-mêmes les maîtres et les élèves dans des recherches savantes qui ne sont pas leur affaire. Aussi M. Bain a-t-il raison de dire : « Il ne faut pas faire une part trop grande à ce travail pendant les premières années. Les acceptions et les tournures actuel- lement admises doivent être nos seuls guides ; car, si la connaissance d’une forme archaïque peut quelquefois expliquer un usage, elle ne peut en aucune façon le modifier. »


Enseignement de l’orthographe.
– L’orthographe n’est qu’une connaissance de pure forme, « la réglementation de la langue écrite ». Il ne faut donc pas considérer l’art de l’orthographe, malgré son importance, comme le but essentiel de l’enseignement du français. La connaissance de la langue elle- même est autrement complexe et autrement utile. On sait la différence qui sépare l’orthographe d’usage et l’orthographe de règles ou de principes. Notons sur ce point une remarque intéressante de M. Horner : « Contrairement à ce qui se pratique, nous devons accorder plus de soins et plus de temps à l’orthographe d’usage qu'à l’orthographe de règles : car l’orthographe de règles n’apprend a écrire que le bout des mots, une lettre sur les cinq ou six dont se compose la majorité des mots, la dernière lettre, tandis que toutes les autres se rattachent â l’orthographe d’usage. »13 C’est une exagération de dire que « l’orthographe d’usage ne s’apprend que par l’usage14. Elle doit être sans doute le résultat naturel des lectures faites par l’élève ; mais on ne saurait oublier que l’orthographe d’usage elle-même a ses règles. L’étude de la dérivation et de la composition des mots rendra de grands services sous ce rapport. « Pour l’orthographe d’usage, plus difficile à apprendre que l’orthographe de règles, la dérivation est le guide le plus sur dans la majorité des cas. »


Dictées
. - La dictée est le procédé essentiel, l’exercice propre de l’orthographe, qui ne s’apprend pas moins par l’habitude et la mémoire que par l’étude des règles et par le raisonnement16. Mais si les dictées sont utiles, c’est à condition qu’on n’en abuse pas et qu’on les choisisse avec sagacité. « On fait trop de dictées dans nos écoles, et on y recherche avec trop de prédilection ‘les dictées difficiles’ ; il y a des écoles où, aux approches des examens, on ne fait plus que des dictées. »17 Il ne faut ni des dictées trop longues18, ni des dictées trop fréquentes, ni des dictées où l’on accumule à plaisir les difficultés. Une autre règle importante, c’est de ne pas imposer à l’enfant des dictées où abondent des mots qu’il n’a jamais vus, et qu’il est condamné à orthographier au hasard. Aussi beaucoup de pédagogues recommandent-ils avec raison aux instituteurs d’épeler ou d’écrire au tableau tous les 11 Nous ne pensons pas, malgré ce qu’on en a dit dans ces dernières années, qu’il faille souhaiter l’introduction des études latines dans les écoles normales. 12 Science de l’éducation, p. 258. 13 M. Horner, op. cit., p. 165. 14 Ibid. 15 M. F. Cadet, article Langue maternelle, dans le Dictionnaire de pédagogie, 1ère partie. 16 On ne saurait souscrire à l’opinion des pédagogues qui prétendent qu’il est inutile d’instituer des exercices d’orthographe proprement dits, et qu’il suffit de s’en tenir aux exercices de lecture, d’écriture, de rédaction et de grammaire. A l’école primaire surtout, où l’entant n’est pas aidé dans l’étude de l’orthographe française par la connaissance du latin et du grec, les exercices d’orthographe s’imposent. 17 Article Orthographe de M. Rouzé, Dictionnaire de pédagogie, 1ère partie. 18 Dans les écoles américaines on ne dicte pas généralement des textes suivis : on dicte de longues listes de mots isolés, comme dans le recueil français le Pautex. termes de la dictée que l’écolier ne connaît pas. L’orthographe s’apprend surtout par la vue, par la mémoire des yeux. De plus, les dictées doivent correspondre aux règles déjà étudiées et n’en être que l’application. Il ne faut pas, d’autre part, qu’elles soient prises au hasard, sans qu’on tienne compte de l'âge, de l’intelligence des enfants. Elles doivent, comme tous les autres exercices, concourir à l’éducation générale. Est-il nécessaire d’ajouter qu’elles devront toujours être corrigées avec soin, que l’énoncé des règles violées suivra toujours l’indication des fautes commises19 ?


Analyse grammaticale et analyse logique.
- Il ne saurait être question de supprimer, dans l’enseignement de la langue, l’analyse grammaticale et l’analyse logique. On en a certainement abusé ; on en fait un emploi vicieux, quand l’instituteur l’impose comme un travail routinier et machinal, imaginé surtout pour se débarrasser des élèves, pour n’avoir pas à s’occuper d’eux. Mais l’analyse est nécessaire, parce que, pour l’enfant, le langage n’est qu’un tout confus dont il ne démêle pas les divers éléments et dont il ne saisit pas nettement la construction. Les exercices d’analyse peuvent être appliqués sous forme d’exercices oraux au tableau noir. L’analyse faite de vive voix est, au début surtout, préférable à l’analyse écrite20. Ce qui importe surtout, c’est le choix des textes analysés : Les monotones et interminables analyses, qui imposent à l’enfant un travail d’écriture plus qu’un travail de réflexion, sont justement condamnées. Leur résultat le plus clair était de dégoûter de l’étude. « Je voudrais, dit à ce sujet M. Gréard, que nos maîtres, sans se priver entièrement des ressources que leur offrent les recueils spéciaux. s’habituassent de plus en plus à chercher eux-mêmes leurs textes de dictées dans les oeuvres classiques, à créer leurs exemples ou à les faire créer par l’élève avec les matériaux que fournit l’enseignement de la classe. Notre littérature contient en tout genre, - développements moraux, des criptions récits, lettres, - tant de pages d’une langue transparente, d’un sens exquis ! L’histoire nationale est si riche en traits tout préparés, en quelque sorte, pour servir d’exemples de grammaire ! Que ce soit du moins sur ces textes et sur ces exemples bien choisis qu’on exerce l’enfant à l’analyse. Ce qui a contribué à la défaveur où est tombée l’analyse, c’est d’abord l’abus qu’on en a fait, sans doute, mais c’est aussi le caractère bizarre et fastidieux des textes auxquels elle était généralement appliquée et des devoirs auxquels elle donnait lieu. L’exercice en est nécessaire, si l’on veut que l’enfant arrive àhabituer l’enfant au travail de la rédaction, si dès son entrée à l’école on a su le faire causer, si dans les interrogations, dans les leçons de choses, on a tenu la main à ce qu’il s’expri se bien rendre compte des rapports des différents termes de la proposition ou de la phrase ; il n’en faut combattre que l’excès on la mauvaise direction, et pour cela il suffit de ne faire d’analyse, le plus souvent an moins, qu’au tableau, oralement, en termes sobres, sur des phrases claires et intéressantes. »


Ordre à suivre. 
- Les pédagogues ne sont pas d’accord sur la place qu’il convient d’assigner à l’analyse grammaticale et à l’analyse logique. Le programme officiel de 1882 donne le premier rang à l’analyse grammaticale ; mais nombre d’écrivains veulent au contraire que l’on commence par l’analyse logique. « Pour faire l’analyse d’une forme du langage, dit madame Pape-Carpantier, il faut d’abord faire l’analyse de la pensée qu’elle exprime ; en d’autres termes, une analyse logique, c’est-à-dire simplement l’étude des idées et de leurs rapports, doit précéder l’analyse grammaticale proprement dite, c’est-à-dire l’étude de la forme des mots et de la contexture. »21 « Dans le développement progressif de la raison, dit de même M. C. Marcel, la perception d’un objet précède toujours la considération de ses parties : nous arrivons à l’intelligence de notre langue en passant de la phrase aux mots. »22 Les pédagogues suisses tendent au contraire à préférer l’ordre inverse ou même à sacrifier complètement l’analyse logique. « Dans les écoles supérieures, si l’on a du temps à perdre, dit M. Horner, on pourra s’accorder le luxe de quelques excursions dans le désert de l’analyse logique. »23 19 Tous les pédagogues condamnent la correction trop fréquemment employée qui se fait au moyen de l’épellation de toutes les lettres. On ne doit s’arrêter que sur les difficultés réelles. 20 Le programme dit expressément : Cours élémentaire : Exercices d’analyse le plus souvent oraux, quelquefois écrits. Et il maintient cette recommandation pour le cours moyen : « Analyse grammaticale, surtout orale. » 21 Manuel de l’instituteur, 2ème année, p. 47. 22 L’étude des langues ramenées à leur véritable principe, t. II, p. 28. 23 M. Horner, op. cit., p. 176.


Exercices d’invention et de composition
. – Nous persistons à croire que l’analyse logique est utile et nécessaire, à condition qu’on ne s’engage pas dans une terminologie trop compliquée et trop savante, et que dans le classement et la dénomination des propositions on choisisse la méthode la plus simple et la plus claire. L’enfant de l’école primaire doit être exercé avec dis- crétion à la composition, ou tout au moins aux élé ments de la composition française. « Quel est l’enfant qui oserait se flatter de n’avoir jamais. de lettre à écrire, de mémoire à dicter ou de rapport à rédiger ? »24 Assurément il y a entre le langage parlé et le langage écrit des relations si étroites, qu’on aura déjà beaucoup fait pourmât correctement. Mais les exercices oraux ne sauraient dispenser des exercices écrits. Quelques pédagogues semblent mettre sur le même rang les exercices d’invention et ceux de composition : « Les idées, dit M. Gréard, ne viennent pas d’elles-mêmes à l’esprit de l’enfant : il faut lui apprendre à en trouver. Encore moins prennent-elles toutes seules l’ordre et la forme qu’elles doivent revêtir : il faut lui apprendre à composer. »25 A vrai dire, nous ne pensons pas que l’invention doive jouer un grand rôle à l’école, et l’importance qu’on lui accorde ne nous parait être qu’une réminiscence de l’enseignement secondaire. Au lycée, il peut être question de former de futurs écrivains, et en général des hommes qui auront besoin de tirer de leur propre fonds des idées originales. A l’école, il ne faut penser qu’à mettre de futurs ouvriers en état d’exprimer correctement et nettement les idées qui sortiront tout naturellement et sans recherche des besoins et des circonstances de la vie. Voilà pourquoi il ne faut pas s’exposer, avec les enfants de l’école primaire, quand on leur propose un sujet de composition, à recevoir cette réponse, qui revient souvent sur leurs lèvres : « Je ne sais que dire ! » Fournissons-leur les idées de leur travail par des entretiens, par des lectures, ou tout au moins par le choix du sujet emprunté à leur expérience. « Les premiers exercices de rédaction consisteront, dit M. Horner, à reproduire en partie par écrit ou à récapituler les leçons de choses... On abordera ensuite la description écrite d’objets usuels, mais cette description sera toujours précédée d’une leçon orale et suivie d’une récapitulation méthodique au tableau noir. » « L’idée première d’un développement de quelques phrases, quatre ou cinq au plus, pour commencer, sera fournie par le maître ; le cadre même du développement sera préparé ; il s'agira pour l’enfant de le remplir, en indiquant les causes, les effets, les circonstances accessoires de temps, de lieu, etc. Cette sorte de thème pourra même servir parfois de texte à l’exercice d’orthographe. De quelque façon que le devoir soit donné, la correction se faisant en classe, au tableau noir, et chaque élève fournissant le complément d’idées plus ou moins justes, plus ou moins heureuses qu’il a trouvé, ce sera pour le maître l’occasion de faire comparer les contributions des uns et des autres, et d’exercer le jugement de tous. » Et M. Gréard conclut qu’il s’agit moins d’apprendre aux enfants à écrire que de développer leur jugement et leur sens moral. Nous n’y contredirons pas ; mais il ne faut pas oublier que l’habitude d’une rédaction aisée, correcte, au besoin élégante, a bien aussi son prix et qu’elle convient à tout le monde. « La première qualité du langage, dit M. Bréal, c’est la propriété des termes, et l’on est en droit de l’exiger de l’ouvrier et du paysan aussi bien que du littérateur et du philosophe. » Or ce n’est pas en faisant parler seulement, c’est aussi en faisant écrire qu’on apprend à l’enfant à se rendre bien compte du sens des mots.


Rédactions sur images
- On est tellement préoccupé aujourd’hui de faciliter le travail de l’enfant qu’on a recours parfois à des raffinements, à des procédés qui peuvent avoir leur utilité à condition qu’on n’en abuse pas. Tel est l’usage des rédactions sur images, importation américaine, application de l’enseignement intuitif à l’exercice de la composition. L’enfant n’a, dans ce cas, qu’à bien voir et à dire ce qu’il voit dans l’image placée sous ses yeux. Mais cet exercice récréatif ne saurait être généralisé et il vaudra toujours mieux faire décrire aux enfants les choses elles-mêmes, les réalités concrètes et vivantes. Un raffinement du même genre est l’exercice qui consiste à traduire en prose un morceau de vers. 24 M. Horner, op. cit., p. 154. – Les exercices de composition sont en très grand honneur dans les écoles des Etats-Unis. 25 De l’instruction primaire à Paris. « Cet exercice, dit M. F. Cadet, peut au moins rendre le service de faire distinguer la langue poétique de la langue ordi- naire, dans l’emploi des mots et la construction des phrases. »26 Nous ne croyons pas, quant à nous, qu’il y ait grand intérêt à pratiquer cette sorte de transposition, de transmutation, comme disent les pédagogues belges. II vaut bien mieux user de simplicité avec l’enfant et lui demander de raconter une promenade qu’il a faite, un événement auquel il a assisté.


Exercices d’élocution.
- Ce qui n’importe pas moins que la rédaction, c’est l’élocution : savoir parler est encore plus nécessaire que de savoir écrire. De là l’importance accordée par les pédagogues suisses et belges aux exercices oraux. En France, notre programme officiel demande la reproduction orale de petites phrases lues ou expliquées, puis de récits faits par le maître, le résumé de morceaux lus en classe, le compte rendu de lectures, de leçons, de promenades, d’expériences, des exposés de morceaux littéraires ou historiques.


Exercices littéraires.
- Sans être trop prétentieux, on peut assurer que de plus en plus l’école primaire elle-même initiera l’enfant à l’étude de la littérature française, et lui inspirera le goût de continuer toute sa vie, par des lectures personnelles, un travail plein d’attraits. La loi du 28 mai 1852 dit formellement : « L’enseignement primaire comprend la langue et les éléments de la littérature française. » C’est surtout sous forme de lectures faites par le maître, de récitations faites par l’élève, que sera donné cet enseignement. On pourra y joindre des analyses littéraires, qui auront l’avantage d’habituer l’élève à écrire en même temps qu’elles exerceront son goût et le mettront en rapport plus intime avec les beautés littéraires. Bien entendu, tous ces exercices devront être pratiqués avec discrétion. C’est dans l’enseignement de la littérature surtout que l’instituteur doit se rappeler cette réflexion de M. Gréard : « L’objet de l’enseignement primaire n’est pas d’embrasser, sur les diverses matières auxquelles il touche, tout ce qu’il est possible de savoir, mais de bien apprendre dans chacune d’elles ce qu’il n’est pas permis d’ignorer. »